Après les soins, les AA sont un repère dans “la vraie vie” des patients

Sylvie, cadre supérieur de santé, est responsable du pôle addictologie au centre hospitalier Bon Sauveur de Bégard près de Guingamp dans les Côtes-d’Armor*. Elle a bien voulu répondre à nos questions pour la page Bretagne du site internet AA France.

 

En quoi un mouvement comme Alcooliques anonymes est important dans un parcours de soins en addictologie ?

Nous travaillons en partenariat avec cinq mouvements d’entraide de manière régulière et continue, dont les Alcooliques anonymes. Le personnel soignant n’assiste pas aux séances d’information. Celles-ci sont obligatoires pour tous les patients, cela fait partie de leur engagement. En plus de la prise en charge assurée au titre des soins, nous tenons à ce que le maximum d’outils soit porté à la connaissance du patient, pour qu’il puisse mieux se préparer à sa sortie de cure. La clinique est un peu comme un cocon. Dans le domaine de l’alcool, les associations d’entraide offrent des repères dans « la vraie vie » que le patient retrouve à sa sortie. Nous disons à ceux qui viennent à votre rencontre dans nos murs : « allez écouter les personnes qui viennent témoigner, vous pouvez avoir la chance de vous identifier à l’une d’elles. Et un jour, vous aurez peut-être besoin de leur aide, dans votre ville, près de chez vous, vous avez leurs coordonnées ». A l’issue de la cure, nous prenons les différents rendez-vous avec les CSAPA** par exemple. Les proches peuvent aussi être accompagnés, mais le recours à une association soutient le patient.

 

A vos yeux, quels sont les atouts d’un mouvement comme le nôtre ?

Nous partageons des concepts. Les soignants insistent sur les difficultés à la sortie de soins qui risque d’être compliquée. Vous en témoignez aussi en livrant votre parcours. Les adhérents des associations témoignent et leurs paroles peuvent être des clés pour acquérir une meilleure qualité de vie. Sachant que l’on ne change pas la vie à l’extérieur et que l’on croise l’alcool et les produits partout, comment faire à l’extérieur ? Comment contourner un flash d’alcool ? Que dire aux proches ? Issus de l’expérience, vos conseils sont précieux. Le respect de la diversité, vue comme une richesse, le non-jugement, la prise en compte de la personne, l’importance accordée au lien humain sont d’autres valeurs partagées. C’est le lien humain qui fait toute la différence et conditionne la réussite d’une démarche. Sur le terrain, il convient d’être sincère, authentique. Il y a une façon d’être qui traverse le discours. Les patients attendent des témoignages positifs et sincères, qui ne soient pas basés sur une trop longue évocation des périodes d’alcoolisation.

 

Comment voyez-vous la collaboration avec les Alcooliques anonymes ?

Notre collaboration avec les associations relève d’un accompagnement partagé sur des problématiques en marge de soins des patients. Une rencontre annuelle avec elles permet de faire le bilan des interventions et d’améliorer le partenariat. Notre collaboration doit être profitable au patient, c’est un maillage nécessaire. Nous considérons que vous avez déjà une certaine expérience quand vous venez rencontrer les patients. Il y a quelque chose de construit et de sérieux dans votre démarche, c’est important. Nous pouvons avoir des discours de soignants, mais votre approche des personnes concernées est complémentaire. Les sujets souffrants d’addictions ont des ressources qui ne demandent qu’à être valorisées. Ici, nous évitons tout ce qui est susceptible d’enfermer une personne dans une catégorie, ou de la stigmatiser. Le terme « malade » est peu usité, nous parlons de « patient ».

 

*Le pôle addictologie de Bégard a été créé en 2001.

** CSAPA : Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie

 

Photo @laurentQ22bzh