Lorsque j’ai poussé la porte des Alcooliques anonymes la première fois, j’étais complètement désespéré. Je ne voyais plus aucune solution pour vivre dans ce monde sans souffrir. Ma vie ne se résumait plus qu’à boire un maximum pour tomber et dormir. J’éprouvais une grande souffrance intérieure qui m’empêchait d’affronter la vie et mes problèmes. Je hurlais dans mon petit studio car ma souffrance psychologique me faisait mal. Aucune de mes stratégies pour essayer de contrôler ma consommation ne fonctionnait. Je ne pouvais même plus m’abstenir de boire le matin avant d’aller au travail, avant d’aller voir le psy ou voir ma petite amie. Je ne pouvais pas tenir une nuit avec ma petite amie. Je devais la laisser dans la nuit pour descendre à une épicerie et me recharger en alcool pour ensuite remonter avec l’haleine lourde. Je n’avais plus la maîtrise de ma vie. La honte n’étais plus un motif pour ne pas boire. Ca n’a pas toujours été comme ça. Lorsque j’étais étudiant, je buvais avec les amis ou aux soirées étudiantes. Je buvais beaucoup mais de manière ponctuelle aux soirées. Lorsque je suis rentré dans la vie active, j’ai alors ressenti un manque. Mes amis arrivaient à ne plus boire mais moi j’avais besoin d’un petit verre en rentrant du boulot. Quelques années plus tard, les petits verres se sont transformés en bouteilles quotidiennes. Des bouteilles de vin au début et des bouteilles de pastis plus tard. Je ne buvais plus par plaisir. Je pouvais boire des alcools que je n’aimais pas, qui me dégoutaient même. Au fil des années, ma consommation ne faisait qu’augmenter et l’alcool prenait de plus en plus de place dans ma vie, jusqu’à ce qu’il prenne toute la place. Je ne savais plus quoi faire et c’est un soir où, seul dans mon studio, alors que je voulais en finir avec la vie, j’ai pensé à appeler les Alcooliques anonymes. Mon psy m’en avait parlé quelques années plus tôt mais à l’époque je ne pensais pas que c’était pour moi. Aller voir une bande de pochtrons SDF discuter entre eux et se lamenter, c’était pas pour moi (c’est l’idée que je m’en faisais). Ce soir là, vue la déchéance et la détresse dans laquelle je me trouvais et vue que je ne savais plus quoi faire (j’avais l’impression d’avoir tout essayé), j’ai décidé d’appeler les Alcooliques anonymes. Je ne savais pas ce que j’allais pouvoir dire. Mon problème était trop complexe. Comment allais-je me faire comprendre ? Comment expliquer ce que je ressentais et pourquoi je n’arrivais pas à arrêter alors que je voulais stopper l’évolution de cette consommation d’alcool ? Lorsque j’ai appelé la première fois les Alcooliques anonymes, je n’ai pas eu besoin de dire grand chose. A chaque explication que je donnais, mon interlocuteur donnait des expériences qu’il avait vécues et qui illustrait ce qui m’arrivait. Je me suis senti compris. Ce qui était compliqué à expliquer dans ma tête devenait simple. Il m’a expliqué que ce que j’avais était une maladie qui s’appelait l’alcoolisme et que ma seule volonté ne suffisait pas à pouvoir la contrôler. Je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul dans ce cas et je me suis senti soulagé. Il m’a proposé de venir le lundi suivant à une réunion. Lorsque je suis arrivé le lundi suivant en réunion, mon interlocuteur m’a accueilli, m’a proposé un café et des bonbons, m’a expliqué le fonctionnement des réunions, m’a expliqué qu’il y avait un programme mais de ne pas m’inquiéter de ça au début et de revenir régulièrement en réunion. Les personnes qui étaient là à cette réunion ne ressemblaient pas à l’image des alcooliques que je m’en faisais. Ils avaient l’air bien. Malgré tout, dans leur partage, je sentais qu’ils avaient vécu la même chose : la perte du contrôle de leur vie. Parfois leur expérience était plus dure que la mienne (souvent), mais au bout du compte on avait tous un point commun, on avait souffert énormément, on en a eu marre d’avoir marre, on a touché notre fond à un moment donné et on voulait s’en sortir. Chaque réunion me soulageait énormément mais ne suffisait pas à me faire arrêter de boire. A une de mes premières réunions, une femme donnait des nouvelles d’une Information Publique sur les Alcooliques anonymes qu’elle avait faite dans un centre de cure de désintoxication de l’alcool. Je ne savais pas qu’il était possible de faire une cure de désintox, un sevrage d’alcool. J’en ai parlé à mon psy la semaine suivante et il m’a dit que c’était tout à fait possible. Nous avons monté le dossier et quelques mois après je rentrais en cure pour un sevrage d’une semaine sur une cure d’une durée totale de 5 semaines. A cette cure, j’ai appris beaucoup de choses sur la dépendance à l’alcool, la relaxation et la méditation. J’y ai également appris que suite à une cure la meilleure chance de ne pas rechuter est de rejoindre un groupe de parole. Par chance, je connaissais déjà les Alcooliques anonymes. En sortant de cure, je suis retourné à mes réunions hebdomadaires. C’était la chose la plus importante. Je ne voulais pas revivre ce que j’ai vécu. Ca fait 12 ans que j’ai arrêté de boire. Je retourne toujours en réunions au moins deux fois par semaine. Aujourd’hui, grâce aux Alcooliques anonymes j’ai une vie heureuse. J’ai beaucoup de chance d’avoir trouvé ce programme et cette fraternité que je peux retrouver partout dans le monde. Aujourd’hui, je n’ai plus envie de boire. Je n’ai plus d’obsession de boire. Je suis fier de ne pas boire. Ca fait partie de mon identité. Si je retourne souvent en réunion dans ma ville, ou lorsque je voyage, c’est pour 3 raisons principales :
  1. Je ne veux pas oublier qui je suis. Je suis un alcoolique. Même si je n’ai pas bu depuis 12 ans, je sais que si je reprends un verre, je retournerai au même endroit où je l’ai quitté la dernière fois. Lors de mes réunions, j’ai eu l’occasion d’entendre des témoignages de personnes qui avaient arrêté pendant plusieurs années (15, 20, 30 ans) et qui après s’être éloignés des réunions, ont cru qu’ils pourraient gérer le fait de reprendre un verre. Certains n’ont pas réussi à se ré-arrêter. Je dis souvent que je ne suis pas plus fort que ces personnes et j’ai de la chance de pouvoir bénéficier de leur expérience. Je préfère surveiller la bouteille devant moi (aller en réunion et voir des nouveaux qui me rappellent comment j’étais) plutôt que d’avoir la bouteille derrière moi et qui me rattrape (m’éloigner des réunions).
  2. Lorsque j’ai poussé la porte des Alcooliques anonymes, le fait de voir anciens, heureux qui partagent leur expérience parfois plus difficile que la mienne, m’a donné beaucoup d’espoir et de confiance. Sans ces anciens, je n’aurais certainement pas réussi à arrêter de boire. Aujourd’hui, il me semble normal, à mon tour d’aider les personnes qui en ont besoin, ne serait-ce qu’en disant que c’est possible d’avoir une vie heureuse sans alcool. Je retransmets ce qu’on m’a transmis.
  3. Le programme des Alcooliques anonymes est le programme d’une vie. C’est un programme d’amélioration continue. Il me permet de m’améliorer et de vivre de plus en plus heureux. Si je m’éloigne des réunions, doucement, les mauvais habitudes de comportement, de pensée reviennent. J’ai besoin de ce programme qui me permet d’avoir une vie de plus en plus heureuse.
Les Alcooliques anonymes m’ont apporté une vie heureuse. Je ne suis plus le même homme que lorsque j’ai poussé la porte la première fois. Grâce aux alcooliques anonymes, j’ai atténué pas mal de mes défauts. Je suis plus honnêtes, plus patient, j’ai plus d’humilité, je suis plus à l’écoute, j’essaie moins de tout contrôler, je suis plus calme, je me mets moins en colère, etc. Je ne suis pas parfait, loin de là, mais j’ai une vie plus sereine et j’arrive même à aider certains amis non alcooliques lorsqu’ils sont dans la souffrance. J’ai beaucoup de chance d’avoir rencontré les Alcooliques anonymes, ce programme, et ces réunions auxquelles je peux assister partout dans le monde, sans prévenir….

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