Lorsque je buvais, personne ne pouvait me comprendre. Mes problèmes étaient les plus lourds, personne n’avait autant de souffrance morale que moi. Mon enfance, mon passé me faisaient mal et ma vie n’était qu’un ramassis d’incompréhensions, d’insatisfactions, de solitude. Combien je me sentais différente de celui qui pouvait vivre au jour le jour, heureux de son sort, sur cette sinistre terre.

Pourtant, à ma première réunion, je découvris des alcooliques heureux, des alcooliques sereins qui me disaient : « cela aussi est possible pour toi ». Je ne m’étendrais pas sur le choc que je ressentis et sur ma réticence à croire que cela pourrait m’arriver un jour aussi. Je me sentais si différente, le réflexe de replonger dans mon apitoiement, de me fier à mes propres solutions inefficaces, le fait de me perdre dans toutes mes théories justificatives, tout cela me fit perdre un temps précieux. …

Petit à petit, je me suis découvert des besoins légitimes, des potentialités insoupçonnées. Petit à petit, un baume bien doux s’est répandu sur mes blessures comme si j’étais aimée telle que j’étais et non pour ce que je faisais ou disais. J’avais découvert simultanément que j’avais du prix et que j’étais de la même pâte que tous les êtres humains : je souffrais, je n’étais pas parfaite et j’avais besoin d’être aimée et d’aimer pour être heureuse. J’avais découvert avec reconnaissance que la vie en moi avait été plus forte que tous ces sentiments de fuite et d’anéantissement où l’alcool me poussait.

A moi qui croyais être un cas isolé au milieu du genre humain, AA m’a permis de comprendre que j’avais droit au bonheur, que je n’étais pas seule sur cette terre, que je pouvais m’appuyer sur des amis …

 

 

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