Alcooliques anonymes à Montbéliard : sauver sa peau et celles des autres
Texte extrait d’un article paru dans l’Est Républicain du 24 septembre 2019 – Propos recueillis par Sophie DOUGNAC
Créée voilà plus de trente ans sur Montbéliard, l’association des Alcooliques anonymes – « les AA » – se réunit chaque jeudi à 20 h, au 1 avenue Chabaud-Latour. Le dernier du mois, le groupe, une quinzaine de personnes, de tout âge et conditions sociales, est ouvert aux non-alcooliques, familles et amis, qui, eux, aussi souffrent de cette maladie. Car oui, l’addiction alcoolique est une pathologie. Dont, disent les AA, on ne guérit jamais. « Par contre, on peut s’en rétablir, retrouver une nouvelle vie en étant abstinent », confient-ils. « On ne refuse personne. Notre association a un seul but : sauver sa peau et aider à sauver celle des autres ». Témoignages de deux alcooliques, la marraine et son filleul, qui évoquent leurs descentes aux enfers avant leurs remontées vers la lumière. « Pour moi, maintenant, tous les moments sont heureux », nous confie Gérard.
Je m’étais résignée à mourir
« On dit que l’alcool conserve : c’est plutôt l’inverse ! ». Madeleine, 70 printemps, en paraissant au bas mot dix de moins, éclate d’un rire communicatif. Depuis bientôt 23 ans, cette dynamique retraitée, peau de pêche et sourire en bandoulière, est abstinente. Zéro alcool : ni dans les gâteaux, ni dans les plats en sauce, ni a fortiori dans le moindre verre. Et elle est heureuse : « Grâce aux AA, j’ai retrouvé le goût des autres, toute ma vie s’est allégée et enrichit. Je me sens libre ».
Il fut cependant un temps où Madeleine n’aurait pas imaginé vivre sans boire. « Pourtant, j’étais avertie : mon père en est mort de l’alcool et du tabac quand j’avais 6 ans ». Étudiante, la jeune fille sert dans un bar et commence à taper dans la bouteille : « L’alcool avait un formidable effet euphorisant. Je me sentais super bien, super intéressante ». Plus tard, mariée, mère d’une petite fille, la Montbéliardaise renoue avec la boisson. « L’alcoolisme qu’on appelle mondain. Et qui vous conduit, directement comme l’autre, dans le caniveau ! »
Pendant une vingtaine d’années, Madeleine boit. Beaucoup. « Quand j’ai été seule à la maison, je n’ai plus eu de limites ». Ce tout petit gabarit s’envoie alors, dit-elle, une bouteille de whisky par jour ! « Je m’étais résignée à mourir ». Un déclic la sauve : le jour de ses 48 ans (âge auquel est mort son père), elle arrête brutalement. Trop. À deux doigts de la mort, elle est conduite à l’hôpital. « Et là j’ai été prise en charge, j’ai rencontré les AA : je n’avais plus ce poids et ce secret à porter seule ».
J’ai retrouvé l’espoir que j’avais perdu
Voilà un an et sept mois que ce jeune retraité à arrêter de boire. L’alcool, il est tombé dedans progressivement après la quarantaine, sous prétexte de mondanités et de fêtes. « C’était un week-end de temps en temps, puis tous les week-ends, puis le vendredi soir, un apéro en récompense, puis tous les soirs, puis deux apéros…Jusqu’à ce que mon épouse me dise que j’exagérais » Conséquence : Gérard boit en cachette, passe toute son énergie d’abord à préserver les apparences au travail – il est cadre dans une grosse entreprise – ensuite à se procurer son poison. « J’ai été le pire des menteurs et des tricheurs : même la bouche sur le goulot, tenant des propos incohérents et tout tremblotant, je niais ! », raconte-t-il aujourd’hui.
À l’époque, lui aussi s’envoie une bouteille de whisky par jour. Ce grand gaillard d’1 m 80 ne pèse alors que 64 kilos ! Son déclic ? Son fils, adulte, qui l’aide à jeter toutes les bouteilles du bar, puis son frère qui l’accompagne chez un formidable médecin. « Là, j’avais arrêté de boire. Mais j’étais tellement malheureux… Surtout, je ne savais pas si j’allais pouvoir vivre sans alcool ». Le docteur l’oriente vers les AA et vers Madeleine, qui devient sa marraine.
« Les AA m’ont sauvé la vie », dit-il plein de gratitude. « Je me reconnais dans chaque témoignage : le groupe m’a redonné la confiance en moi et l’espoir que j’avais perdus. Seul, je pense que j’aurais replongé. Là, je travaille pour transmettre ce que j’ai reçu ». Et profiter pleinement, chaque minute, de ce qu’il appelle « sa deuxième vie ».
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